lundi, 10 septembre 2018 14:53 Écrit par  CNARED-GIRITEKA

PROPOSITION DU CNARED-GIRITEKA EN VUE DE LA PRÉPARATION DU 5ème ROUND DES POURPARLERS INTERBURUNDAIS

I. INTRODUCTION

La Médiation/Facilitation dans la crise burundaise vient d’inviter le CNARED-GIRITEKA, pour des consultations, après sa tournée à Bujumbura. L’objet de ces consultations est de s’entendre sur l’agenda d’un « prochain round » de négociations, qui aboutirait à la signature d’un Accord devant notamment conduire le Burundi vers des élections crédibles. La présente proposition a pour objectif de donner un éclairage sur le contexte dans lequel vont se dérouler ces négociations, les facteurs déterminants à prendre en considération, les erreurs à éviter et les voies à privilégier pour espérer résoudre durablement la crise burundaise.

II. LE CONTEXTE QUI PREVAUT AU BURUNDI

La crise multiforme qui prévaut au Burundi depuis 2015, suite au 3ème mandat que M. NKURUNZIZA a brigué en violation de l’Accord d’Arusha et la constitution de 2005, qui en est issue, loin de s’estomper s’aggrave chaque jour davantage et ce sur tous les plans : politique, sécuritaire, économique, les violations des droits de l’homme, etc. et touche autant la population intérieure que la population en exil.

La crise burundaise s’aggrave d’autant plus que des actions, des lois, des événements hautement politiques viennent de se passer tout récemment, risquant de compromettre définitivement les pourparlers en cours, qui du reste battaient déjà de l’aile, pour plusieurs raisons.

Nous commenterons dans la présente proposition les plus dangereux pour le retour à la paix, à la sécurité pour tous et à la démocratie qui doivent passer impérativement par la restauration de l’esprit et de la lettre de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi du 28 août 2000.

Il s’agit de :

1. La récente promulgation d’une nouvelle constitution qui enterre définitivement l’Accord d’Arusha ;
2. La préparation et l’adoption unilatérale par le seul parti au pouvoir et ses alliés d’une feuille de route pour les élections de 2020, sans créer d’abord un environnement politique, sécuritaire et économique favorable à la tenue des élections crédibles.
3. La nomination précipitée et unilatérale d’une Commission Nationale Electorale indépendante(CENI), juste après l’annonce du prochain round des négociations.
4. L’annonce persistante du pouvoir de Bujumbura et même de la Médiation/Facilitation d’un 5ème round, comme étant le dernier round des négociations, alors que les négociations n’ont jamais réellement démarré.
5. La dégradation de la situation socio-économique et politico-sécuritaire ainsi que les violations massives des droits de l’homme au Burundi ;
6. L’identification des parties prenantes au conflit et leur inclusivité (partis politiques, société civile et autres groupes y compris les groupes armés), le mode d’invitation, la méthodologie et le cadre juridique des négociations.

II. LA NOUVELLE CONSTITUTION PROMULGUEE LE 7 JUIN 2018 ENTERRE L’ACCORD D’ARUSHA.

Outre que le processus d’amendement de la constitution du 18 mars 2005 a été émaillé de beaucoup d’entorses, d’irrégularités et de violences sur le plan juridique et politique, le contenu de la nouvelle constitution vient enterrer définitivement l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi de 2000 et verrouiller tous les espaces des libertés civiles et politiques, rendant ainsi impossible l’exercice d’un pouvoir véritablement démocratique au Burundi.

La portée des dispositions élaguées et celles qui les remplacent montrent à suffisance que la constitution de 2005 est abrogée et avec elle l’Accord d’Arusha enterré.

Il n’est pas superflu d’ajouter que tous les garants de l’Accord d’Arusha avaient déconseillé au gouvernement burundais d’entreprendre cette démarche périlleuse sans requérir le consensus de toute la classe politique burundaise.

1. La non référence à cet Accord et le rejet de son esprit

La détermination réaffirmée dans le préambule par les signataires de l’Accord d’Arusha pour mettre un terme aux causes profondes de l’état continu de la violence ethnique et politique, de génocide et d’exclusion … est également supprimée. C’est pour nous un acte négationniste et une dénégation des crimes de droit international que le pouvoir de Bujumbura est entrain de commettre.

Toujours dans le préambule, la référence à des textes fondamentaux en matière de respect des droits de l’homme est sciemment omise. C’est le cas de la Déclaration universelle de droits de l’homme du 10 décembre 1948 et des pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme du 16 décembre 1966 et de la Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples du 18juin 1981.

2. La nouvelle constitution ne laisse pas de place à une compétition démocratique et équitable ( Cf. art. 99 & art. 174)

3. La nouvelle constitution maintien de façade des équilibres ethniques et du genre,mais sans assise constitutionnelle (Cf. art. 175, art. 180 & art. 289)

4. Des pouvoirs exorbitants concentrés dans le seuls mains du président de la
République

Alors que dans la constitution de 2005, « le pouvoir exécutif était exercé par un Président, deux Vice-présidents, de la république et les membres du gouvernement »(article 92), la nouvelle constitution concentre tous les pouvoirs dans les seules mains du Président. L’article 93 est très explicite à ce sujet : « Le Président de la République est le chef du pouvoir exécutif. Il est assisté dans ses fonctions par un Vice-président ».

Toujours au niveau de l’Exécutif, alors que dans la constitution de 2005, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation dans le cadre des décisions prises par consensus en Conseil des Ministres (article131), dans la nouvelle constitution, le consensus saute au profit de la volonté du seul Président de la République. « Le Gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique telle que définie par le Président de la République» (article 16). Le gouvernement n’a donc plus de pouvoir décisionnel, il est désormais confiné dans un rôle subalterne d’exécutant des ordres du « guide suprême éternel ».

Sur le plan législatif le Président de la République devient la loi puisqu’il s’accorde la main mise sur les lois votées à l’Assemblée Nationale et au Sénat. En effet, l’art. 202 stipule :
« Une loi adoptée par le parlement est réputée caduque lorsque le Président de la République ne la promulgue pas dans un délai de 30 jours calendrier. »

5. Une constitution taillée sur mesure et qui règle des comptes à certaines catégories de citoyens.

Alors que la loi est par essence générale et à fortiori, la loi suprême, il apparaît que la nouvelle constitution prive certains citoyens burundais de leurs droits civils et politiques. C’est le cas des Burundais qui ont une double nationalité qui ne peuvent pas accéder aux fonctions de Président de la République, de Premier Ministre, de Vice-président, de Président de l’Assemblée Nationale ou de Président du Sénat.

C’est un traitement d’exclusion de la participation à la vie sociale, politique, contraire à l’article 13, mais aussi discriminatoire qui pèche contre l’article 22 de la constitution.

6. La nouvelle constitution a profondément divisé le peuple burundais

Alors que l’article 299 de ladite Constitution de 2005 stipule qu’ « aucune procédure de révision ne peut être retenue si elle porte atteinte à l’unité nationale, à la cohésion sociale du peuple burundais, à la laïcité de l’Etat, à la réconciliation, à la démocratie,… », la constitution qui vient d’être irrégulièrement adoptée et promulguée a divisé profondément la population burundaise en deux catégories de citoyens : d’un côté les tenants du « oui » au référendum constitutionnel, qui sont « les vrais » , « les bons » citoyens (Abenegihugu) et de l’autre ceux qui ont prôné , enseigné et voté le « non », souvent au péril de leur vie. Ceux-là sont devenus les ennemis de la Nation qu’il faut tuer et jeter dans le lac Tanganyika pour nourrir les poissons comme cela a été dit et enseigné durant la campagne référendaire.

7. La nouvelle constitution fait du Burundi, un état-refuge de tous les criminels et terroristes, y compris ceux poursuivis pour des crimes de droit international

Dans la constitution de 2005, il était stipulé à l’article 50 que l’extradition était autorisée dans les limites prévues par la loi. Dans la nouvelle Constitution, il est indiqué qu’ « aucun burundais ne peut-être extradé, même dans les poursuites d’une juridiction internationale pour crimes de guerre, crimes de génocide te crimes contre l’humanité. »

L’article 59 alinéas 2 de la constitution de 2005 qui précisait qu’ « un étranger poursuivi pour crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre ou acte de terrorisme peut être extradé » a été également élagué.

En clair, la nouvelle constitution consacre à tout jamais le règne de l’impunité et fait du Burundi, un état-refuge, le terreau de tous les criminels de droit international et les terroristes de tout acabit qui menacent la paix et la sécurité dans le monde.

IV. LES CONDITIONS D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLES A DES ELECTIONS CREDIBLES

Il saute aux yeux de tout observateur avisé que cette nouvelle constitution est porteuse de tous les dangers pour la paix, la réconciliation, la sécurité et la démocratie au Burundi et qu’elle constitue une entrave majeure au processus des négociations.

Pour le CNRED-GIRITEKA, l’enterrement de l’Accord d’Arusha est non négociable et tout accord conclu ou imposé au peuple burundais qui ne sauvegarde pas ce pacte social historique, socle de la paix qui sera voué à l’échec et ne fer qu’aggraver la crise à court terme.
Le CNARED-GIRITEKA exige donc son abrogation pure et simple. Si amendement, il doit y avoir, il interviendra quand le pays aura retrouvé la paix et la sécurité, et à travers une démarche consensuelle initiée par un pouvoir légal et légitime.

La crise que vit le Burundi depuis avril 2015, découle de la violation fragrante de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi et la Constitution qui en est issue. Comme si cela ne suffisait pas, la constitution nouvellement promulguée a enterré complètement les outils de légitimité et de légalité du pouvoir au Burundi.

Contrairement aux déclarations du pouvoir de Bujumbura, la situation socioéconomique et politico-sécutaire s’est lamentablement dégradée.

A ce titre, la violation massive des droits de l’homme tel que les tortures, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires, etc. sont devenues le lot quotidien, avant, pendant et après le Référendum.

Pour mettre fin à cette crise, un dialogue inclusif entre le pouvoir de facto de Bujumbura et ses alliés d’une part, le CNARED et ses alliés d’autre part, s’impose.
C’est pour cette raison que le CNARED et tous ceux qui luttent pour le rétablissement de l’Etat de droit au Burundi, sont disposés à répondre présents au prochain round de négociations interburundaises.

Succinctement, les conditions favorables aux élections crédibles sont les suivantes :
1. La restauration du cadre légal garantissant les libertés politiques fondamentales à travers le retour de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi ;
2. La recherche des voies et moyens pour restaurer l’Accord d’Arusha pour la Paix et la
Réconciliation au Burundi et la Constitution de 2005 ;
3. La réouverture et réhabilitation des radios et des télévisions détruites pendant la crise ;
4. La libération des prisonniers politiques et d’opinion ;
5. Le rapatriement et la réhabilitation des réfugiés ;
6. La sécurisation de la population par le démantèlement des milices et le désarmement des civils ;
7. La dépolitisation des forces de défense et de sécurité et des services de renseignement ;
8. Le rapatriement, la réinsertion et la réhabilitation des membres des forces de défense et de sécurité ;
9. Le retour, l’installation et la protection des leaders politiques ;
10. Réhabilitation des leaders politiques dans leurs biens ;
11. La remise des partis politiques à leurs leaders légitimes ;
12. La réouverture de l’espace politique ;
13. La réouverture des organisations de la Société civile et le rapatriement de leurs leaders.

V. LES AUTRES POINTS A NÉGOCIER DANS LE PROLONGEMENT DE CET ACCORD

1. Feuille de route (2013-2018) ;
2. Commission Electorale Nationale Indépendante ;
3. Code électoral ;
4. Cour chargée du contentieux électoral ;
5. Cour Constitutionnelle ;
6. Sécurité des élections.

VI. MECANISME DE MISE EN APPLICATION DE L’ACCORD, SUIVI ET ÉVALUATION DES ÉLECTIONS

a) Commission mixte chargée du suivi et de la mise en application de l’Accord et garants de son inviolabilité (Nations Unies, Union Africaine, Communauté Est-Africaine et les représentants des parties en conflit)
b) Force de protection internationale ;
c) Institutions de missions.

VII. CONCLUSION

Le CNARED-GIRITEKA s’inscrit dans la logique des négociations inclusives comme la meilleure voie pour résoudre pacifiquement la crise burundaise qui n’a que trop duré. Le CNARED-GIRITEKA reste néanmoins convaincu que seul un cadre constitutionnel qui restaure l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi ainsi que la Constitution de 2005 est un préalable indispensable pour le retour à une société réconciliée avec elle-même où règne la démocratie, la paix et la sécurité pour tous.

Fait à Bruxelles, le 6 septembre 2018

Pour le CNARED-GIRITEKA

Dr Minani Jean, Président

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